Ce qui suit est une retranscription incomplète et parfois retravaillée par mes soins de l’émission de Matthieu Garigou-Lagrange, « Sans avoir jamais oser le demander », diffusée le mardi 14 décembre 2021. Le sujet ? Comment devenir un grand écrivain.
Se raconter dans des ateliers d’écriture c’est guider le geste (il s’agit ici d’écrivains confirmés partageant avec des personnes souhaitant perfectionner leur écriture ou publier). Dans tous les arts il y a une partie, certes d’inspiration, de talent, etc…mais il y a aussi une partie d’artisanat. Et un geste qui n’est pas guidé c’est un geste qui se perd, une geste qui hésite. Comme un charpentier doit un jour se former auprès d’un maître, il est bon aussi, en écriture, d’avoir des maîtres, des exemple, d’avoir un geste qui est guidé.
Il faudrait casser ce mythe pour les écrivains que l’écriture tombe du ciel. Alors qu’il faut une formation pour devenir nettoyer d’aquarium ou montreur d’ours (la vache, les exemples !!), les peintres se forment en allant dans les musées, en étant coachés par les grands maîtres, je ne vois pas pourquoi cela n’existe pas pour l’écriture. La première étape serait de mettre à mal l’idée que l’écrivain est quelqu’un qui boit de l’eau de violette en se baladant les nuits de pleine lune et qui a une inspiration divine ou qui écrit sous la dictée d’une muse, alors qu’en fait il y a beaucoup de travail derrière et qu’un livre c’est 10% d’inspiration et 90% de transpiration.
Faut-il avoir une vision du monde particulière, singulière pour devenir écrivain ?
Essayer d’inventer, de mettre au point, le meilleur projet de roman ou d’essai, dans l’absolu, c’est voué à l’échec, cette tentative abstraite de faire. Par contre, il y a peut-être une histoire, un sujet que, vous, vous pouvez aborder de manière singulière et que les autres ne peuvent pas écrire à votre place. Un conseil que je donne souvent est : quelle est l’histoire que vous pouvez écrire et que personne d’autre ne pourrait ? Ce n’est pas forcément un sujet qui est grandiose, ce peut être un sujet qui va chercher dans le quotidien, dans l’histoire familiale, dans une obsession personnelle, dans une marotte, un domaine d’érudition incongru. Où est-ce que j’ai un moteur obsessionnel suffisamment fort pour que, si je m’attelle à la tâche d’écrire tous les jours pendant un an, deux ans, je n’en perde pas la saveur, que j’aie envie de continuer à explorer cela. Il ne faut pas se demander ce qu’on a dire sur le monde comme si on était un oracle. C’est en creusant ce qu’on a de singulier, de personnel, qui ne nous a pas forcément été soufflé par la communication ou par les moyens d’information en vigueur, qu’on retrouve une forme d’universalité. C’est un paradoxe : plus vous allez au bout de ce que vous avez de plus intime, de plus secret, de plus étrange et plus vous retrouvez la condition humaine dans sa généralité. Ce n’est pas du tout la même manière de procéder qu’en essayant de faire un bon produit, une bonne marchandise, étalonnée, qui plairait à tout le monde, comme si on avait à concevoir un plat industriel par exemple.
Cela pose la question de l’écriture et du rapport à l’autre, de ce qu’on dit, de ce qu’on transmet dans son écriture.
Ce qui compte dans un livre n’est pas d’avoir absolument un sujet extraordinaire mais plus la manière dont on va le raconter. Il faut raconter ce que seul soi on serait capable de raconter, avec ses mots à soi, en évitant tous les clichés, tout ce que les autres pourraient dire à notre place et arriver à dire quelque chose d’une manière complètement singulière.
« Quoi faire de la solitude que je vivais dans cette maison ? Quoi faire ? Ça a commencé comme ça, comme une blague : peut-être écrire ? Dans la vie, il arrive un moment, et je pense que c’est fatal, on ne peut pas y échapper où tout est mis en doute. Le mariage qu’on a fait, les amis qu’on a, les amis du couple, pas l’enfant. L’enfant n’est jamais mis en doute. Et ce doute grandit, grandit, grandit. Ce doute contient la solitude, il est habité par une solitude qu’on peut déjà nommer de nos mots. Je crois que beaucoup de gens ne pourraient pas supporter ça. Ils se sauveraient. » Marguerite Duras.
Mais pourquoi diable écrire alors qu’il y a tant d’autres choses à faire ?
Bonne question et chaque écrivain a sa réponse personnelle. Giraudoux disait « pour être riche et considéré ». Paul Valéry disait « par faiblesse ». Cendrars disait juste « parce que ». Effectivement, il y a beaucoup de bonnes raisons de ne pas écrire, ça prend du temps pour beaucoup d’ingratitude derrière. Léautaud, à qui sa maîtresse disait si jamais vous deviez choisir entre faire l’amour et écrire, je sais ce que vous choisiriez, écrire. Il disait « elle a raison ». La réponse la plus simple à pourquoi écrire est parce qu’on en a envie. On peut écrire les livres qu’on a envie de lire. C’est ma réponse à cette question en tout cas.
Les ateliers d’écriture c’est progresser dans sa maîtrise des mots. Et progresser dans la maîtrise des mots, avant même de savoir si ça appartient à la littérature, c’est une manière de prendre en main son propre destin, d’avoir les mains sur le volant. Vous avez la possibilité de nommer vos émotions, vous sortez d’une forme de brouillard ou de confusion sentimentale, et tout d’un coup le monde s’éclaircit parce que vous parvenez à décrire, à nommer, à extérioriser des souvenirs ou des pensées parfois profondes et qui étaient tenues secrètes.
Quelles seraient les erreurs de débutant dans l’écriture ?
Les erreurs les plus classiques sont l’abondance d’adjectifs et d’adverbes.
Pourquoi ce n’est pas bien les adjectifs et les adverbes ?
La question est d’en finir avec les effets. C’est comme dans la vie, il y des gens qui ont une démarche bizarre, qui sont clinquants, vous voyez, qui ont cette sorte de m’as-tu vu….un moment, il est bon d’essayer d’en finir avec des effets trop artificiels, qui sont clinquants, qui sont là pour épater la galerie. Une certaine obsession de la belle phrase peut conduire à ça également. Mais la question est : qu’est-ce qui sonne juste ? Quelle est ma voie (ma voix, il me semble que les deux mots fonctionnent)? C’est ce que chacun doit se demander. Pour rejoindre cette voie (cette voix ?) qui sonne juste, il y a du travail.
Est-ce qu’on peut donner des canons de ce que serait une bonne littérature ?
Non, rien n’est impossible. Pour certains, pour travailler le style on va faire lire des auteurs américains qui ont un style très oral, très relâché, très direct, avec des phrases sèches, sans gras. D’autres vous allez leur faire lire Proust. La clé c’est de sabrer des fioritures pour décaper, pour trouver le mode d’expression propre à la personne.
Il faut arriver à trouver un style singulier et ça passe par le fait de se défaire de tous les clichés, les adjectifs, les adverbes, les comparaisons un peu bateau, elle était belle comme un ange, des choses comme ça qui n’apportent absolument rien. Il faut apprendre à se défaire de tout ça.
Pourquoi ça n’apporte rien, si c’est vrai ?
Ce qu’on attend d’un livre c’est une vision personnelle de l’auteur et si c’est pour lire ce qu’on a déjà lu « un coucher de soleil sur Paris » déjà 25 fois, ça n’a pas grand intérêt. Ça peut exister mais ça n’est pas ça qui fera la force du livre. La force du livre c’est tout ce qui est personnel. (Il y a ici une comparaison avec la peinture où le style personnel du peintre fait qu’il se différencie d’un autre peintre)
Il faut apprendre à gommer tous ces adjectifs, tous ces poncifs. Si on regarde les manuscrits de Victor Hugo, on peut voir comment il retravaillait ses phrases. Il traquait systématiquement tous ces mots qui sont clichés, qui sont assez simples. Il va, par exemple, parler de la « fauve bataille », ce qui est beaucoup mieux qu’un combat sanglant qui est vu et revu. Après on peut être un bon écrivain tout en ayant recours à ces clichés et si on regarde Fénelon qui est très agréable à lire, il emploie beaucoup de facilités. Il parle du « léger zéphyr » ce qui n’apporte absolument rien, c’est un pléonasme, il fait des comparaisons complètement éculées, ça n’en reste pas moins un grand écrivain.
Les frères Goncourt disent qu’un grand écrivain est quelqu’un qui va cibler sa phrase, qui va faire que sa phrase est reconnaissable. Quand on lit une phrase de Proust, ou de Victor Hugo, on va très rapidement, en lisant quelques phrases, identifier qu’on lit Proust ou Hugo.
Un conseil que je donne : si le lecteur (ou Ma Lectrice) peut mettre lui-même l’adjectif, enlevez-le. Ou trouvez-en un autre plus original. (Fauve bataille vs combat sanglant). L’adjectif réflexe, l’adjectif automatique, il faut le supprimer. Il s’agit de traquer ces parties de la phase où non seulement il n’y a aucune singularité mais aussi aucune intention littéraire, aucune vision. (Exemple : une petite robe blanche)
« L’écriture aujourd’hui, puisque je suis un être d’écriture , sinon un écrivain, est une dépense, comme l’appelait George Bataille, inconditionnelle. C’est-à-dire une dépense pour rien. C’est une sorte d’activité perverse qui, en un sens, ne sert à rien. Elle ne peut pas être comptabilisée. Qui excède toujours les services qu’on peut lui demander. Sans doute, l’écriture fait partie d’un échange social, quand on écrit on publie des livres, ça fait partie d’un marché de l’édition ça relève d’une certaine économie mais dans l’écriture il y a toujours quelque chose en plus qui dépasse cette rentabilité et qui est le « pour rien ». Et qui, je pense, a défini ce que j’appelais au début, la jouissance. C’est une jouissance pour rien, c’est donc une perversion. » Roland Barthes.
Si on écrit dans le but de quelque chose on rate quelque chose. Faut-il accepter l’idée de la gratuité de l’acte d’écriture pour arriver à faire un grand roman ?
Il peut exister des réponses complètement différentes et diverses. Souvent les écrivains ont commencé par hasard, parce qu’ils ne savaient quoi faire, pour séduire des filles mais la grave erreur est de se lancer en ayant un objet précis et en se disant « voilà ce que je veux atteindre ». il est indispensable d’arriver à prendre du plaisir, du moins au début, sinon on s’expose à énormément de déception. On n’est jamais certain d’aller au bout d’un livre. Une fois qu’il est écrit, est-ce qu’on va arriver à le faire publier ? Une fois qu’il est publié, il faut intéresser les comités de sélection des librairies, puis les médias, puis si on a des chroniques dans la presse de gauche on n’en aura pas dans la presse de droite, on va se prendre des coups de tous les côtés. Donc il faut y aller de manière extrêmement désintéressée c’est-à-dire qu’il faut surtout avoir envie d’apprendre à s’améliorer, apprendre à mieux s’exprimer, mais oui je pense qu’il faut que ce soit gratuit.
Vous ne conseillez pas de se lancer dans l’écriture comme une carrière ? L’écriture ça n’est pas ça, c’est un désir qu’il s’agit de canaliser par le travail ?
On vit dans une société où le modèle hégémonique d’activité est le salariat. L’activité professionnelle normale consiste à faire un certain nombre d’heures, vendre des heures de travail contre une rémunération. C’est une logique qui ne peut pas s’appliquer à aucun art, notamment à l’écriture. Avec la littérature on se trouve plutôt du côté de l’otium, c’est-à-dire le loisir cultivé ou le loisir intelligent. Ça signifie qu’il n’y a aucune proportionnalité entre le temps passé et le résultat ou l’argent gagné. Il faut l’accepter dès le départ. C’est un saut dans le vide. C’est plus facile à accepter pour les rejetons des familles bourgeoises ou des classes aisées que des familles populaires. Nous vivons dans une société de travailleurs et il faut se sortir de cette mentalité selon laquelle le temps c’est de l’argent, pour accéder à une temporalité qui est la temporalité de la création où le temps n’est pas de l’argent.
Quand vous allez coucher vos 5 enfants, vous mettez à écrire. C’est un moment de quoi ? De joie, de souffrance, c’est le deux à la fois ?
C’est le moment que j’attends. Les heures volées à mes contraintes professionnelles, je les consacre à écrire. Tôt le matin. Tard le soir. Je saisis les heures, ça peut être n’importe où, n’importe quand, et je les attends. Cela a un bénéfice qui est que je rentre directement dans le sujet sans perdre de temps. Pendant longtemps j’ai vécu à la campagne dans des conditions idéales pour écrire, je n’avais que ça à faire, quasiment. Du matin au soir. C’était très dur, car en ce qui me concerne je ne suis vraiment créatif en écriture que, au maximum, deux à trois heures par jour. Si on travaille le matin, on se met au travail à 9h00, à 11h30 on a terminé. Qu’est-ce qu’on fait après ?
Vous pouvez lire ?
Oui mais lire en plus c’est deux heures de plus, maximum, après on sature. En réalité on se retrouve dans un vide et ce que j’avais tendance à faire, c’était un peu le syndrome de Pénélope, c’était de reprendre mes textes inlassablement et à défaire ce que j’avais fait. Arrivé à la fin de la journée, c’est le piège que nous tendent les traitements de texte, j’avais exploré es tas de variantes du même paragraphe, mais en ayant tout cousu et décousu mille fois, si bien que je n’avais plus que des lambeaux. Il y a donc un piège dans le fait d’avoir trop de temps.
Il faut travailler chaque jour, écrire un petit peu chaque jour, est-ce que c’est ce que font la plupart des écrivains ?
Roland Barthes disait qu’il avait des horaires de fonctionnaire et que son temps d’écriture était chaque matin de 9h00 à 11h00. Paul Valéry se levait très tôt et écrivait pendant deux heures avant le lever du soleil et il disait : j’ai le droit d’être bête pour le reste de la journée. Il est vraiment important quand on se lance dans ce type de projet de pouvoir s’y mettre très régulièrement, d’établir pourquoi pas un calendrier. Et c’est sans doute beaucoup plus compliqué aujourd’hui dans nos vies où nous sommes tellement sollicités par notre téléphone portable, les amis, les responsabilités professionnelles, mais il est toujours important de dégager du temps pour l’écriture. Francis Ponge qui travaillait chez Hachette n’écrivait pas plus de 20 minutes par jour.
Du coup il y a des écrivains qui deviennent un peu misanthropes comme Duras qui se plaignait de ses amis qui venaient la visiter, qui perturbaient son travail ?
Oui, il y a aussi Françoise Sagan qui raconte que toutes ses relations sentimentales et amicales étaient des échecs absolus car elle avait toujours mieux à faire avec ses livres, des personnages qui lui trottaient dans la tête. Elle était tellement perdue dans ses pensées qu’elle perdait ses amis à cause de ça.
Changement de sujet…
Pour bien écrire il faut être attentif à ce qu’on écrit mais aussi à ce qu’on omet. Un bon écrivain est celui qui sent ce qu’il ne faut pas dire. Il faut laisser des zones de silence qui sont les zones de liberté offertes au lecteur pour se représenter certaines scènes, certaines clés de l’intrigue. Il faut faire ressentir sans trop en dire.
Tout un travail de l’écriture c’est arriver à ce que le lecteur puisse comprendre sans qu’on lui dise noir sur blanc, voilà ce qui se passe. Un personnage fatigué c’est plus efficace de dire qu‘il baille que de dire qu’il est fatigué. Il faut montrer plutôt que dire. Il faut apprendre à jouer avec l’intelligence du lecteur, se moquer de lui, agiter des chiffons rouge avant de l’emmener dans une autre direction. Il faut faire le pari que le lecteur est quelqu’un d’intelligent, qu’on peut laisser des sous-entendus et des zones dans lesquelles il va pouvoir s’imaginer lui-même.
Et puis ressentir la voix de l’écrivain ? Écrire c’est laisser passer sa personnalité ?
La théorie dit qu’il ne faut pas qu’on sente l’écrivain. Les frères Goncourt disaient que l’écrivain doit être comme la police dans une ville, partout mais qu’on ne le sache nulle part. Mais en pratique un livre qui nous plait, c’est quand même quand on sent la patte de l’écrivain, quand on sent son humour par exemple, sa vision du monde.
Il y a deux types de livres qui fonctionnent en librairie (ex : collection Harlequin) ceux qui ont été formatés, conçus pour ça, avec des recettes qui peuvent marcher mais qui parfois se plantent totalement. Et il y en a d’autres, et c’est là que réside le grand art, où le mythe personnel rejoint le mythe collectif. Là c’est Flaubert, c’est Balzac, Hugo. Ce sont des succès beaucoup plus important, beaucoup plus pérennes sur le long terme.
Il existe une grande part de hasard. Vous pouvez travailler votre mythe personnel, vous pouvez travailler la mise en mot des celui-ci. Mais vous ne pouvez absolument pas commander la rencontre de votre mythe personnel avec le mythe collectif.
La description c’est quelque chose de capital pour écrire. On a tendance à parfois en supprimer par souci d’efficacité mais c’est absolument clé. On peut transmettre beaucoup de choses dans une description même s’il ne faut pas tomber dans l’excès de détails inutiles. Il ne faut pas chercher à impressionner, il faut garder à l’esprit pourquoi on la fait, quelle est son utilité, qu’est-ce qu’on veut dire. Il faut pouvoir sabrer tout ce qui n’est pas indispensable au texte, au sens qu’on cherche à donner. On peut mettre de la fantaisie dans les descriptions, mettre des choses transposées comme Chateaubriand qui met des bananiers aux États-Unis. Ce qui est complètement absurde mais quand il dit ça on a l’impressions d’y être dans cette nature sauvage.
Ce qui est difficile c’est de tenir son roman dans la durée. Donc il faut apprendre à faire court, parfois il ne sert à rien de s’étaler, si on peut faire court. Si l’histoire ne tient qu’en 50 pages peut-être que ce sera très bien de la faire en nouvelle.
Les premières phrases ne sont pas forcément de belles phrases littéraires. Les plus connues restent dans la littérature française : longtemps je me suis couché de bonne heure (Proust). Ou aujourd’hui maman est morte (Camus). Ces phrases sont extrêmement simples, sujet, verbe, complément, vous étiez peut-être déjà capable de les inventer au CM1, mais ce sont de très bonnes premières phrases, car la première phrase a une fonction rhétorique et nos pas littéraire. C’est de l’hameçonnage pour obtenir de l’attention ce qui n’est pas gagné. Cette recherche d’efficacité est presque anti-littéraire mais elle capitale pour accrocher le lecteur.
Et le style ?
Les dialogues sont très difficiles en français car le français écrit et le français oral sont totalement différents. Ce sont deux langues différentes. À l’oral on n’emploie quasiment que deux temps, le présent et le passé composé, on ne finit pas ses phrases…il est donc difficile d’intégrer dans un récit littéraire des dialogues vivants. En anglais c’est beaucoup plus facile et beaucoup plus naturel, le fossé entre l’écrit et l’oral n’étant pas le même.
Dans les ateliers d’écriture, par exemple, on fait réfléchir sur les phrases. Cette phrase est-ce qu’on pourrait la revisiter ? Qu’est-ce qu’elle donne au passé ? Il faut explorer ce qui fonctionne et ne fonctionne pas dans un texte et qu’il faudrait revoir. C’est ça l’artisanat de l’écriture, ce n’est pas le premier jet, c’est tout ce qui se passe après.
La relecture joue beaucoup dans la qualité d’un texte ?
Il faut relire énormément, faire relire par d’autres, relire par l’éditeur après. S’il y avait une seule chose à retenir de tous les auteurs auxquels je me suis intéressé, c’est vraiment la relecture. C’est quelque chose qui est trop souvent oublié, dont on va se dire que ce n’est pas important, qu’on a mis le point final, que le livre est fait, or quand le premier jet est fait on n’a fait que 10% du travail. Il faut au moins 50 relectures pour un livre pour arriver à en faire quelque chose. Et des relectures ciblées. C’est la clé pour avoir un bon livre. On peut se relire pour vérifier le fil du texte. Pour sabrer en disant je supprime 10%, 20% du texte. Et faire relire par d’autres qui ont un regard précis sur la situation, pour éviter les impairs (ex confondre Thésée et Ulysse. Hihihi)
Le premier jet repose sur votre éloquence naturelle. Certains en ont beaucoup, d’autres moins, mais ça ne donne pas une image précise du résultat final. Ça ne compte pas tant que ça. Ensuite soit on retravaille son premier jet inlassablement avec le risque de casser le souffle. Donc il peut être intéressant pour un chapitre, une partie de travailler en premiers jets successifs pour ne garder que le meilleur, un peu comme dans les improvisations de jazz.
Bon, du coup, je n’aurai pas écrit pour moi aujourd’hui car cela m’a pris un temps fou, mine de rien. Mon temps de cerveau disponible est échu. Je parie sur l’intelligence de mes lectrices pour deviner pourquoi j’ai mis en avant tous ces passages plutôt que d’autres. Juste un indice, je me suis reconnu dans pas mal de sujets abordés dans cette émission.
Voilà.
😎
Et elle en pense quoi Ma Lectrice?