Une formation ou une transe-formation ?

1 03 2024

Que retenir de plus de ma formation, après tout ce que j’ai déjà écrit précédemment ? Les gens, je crois. Je ressors de là avec un sentiment ambigu et paradoxal par rapport aux gens. Cette formation a été l’occasion de rencontres très intéressantes mais dix jours après qu’en reste-t-il au fond ? Je réalise que pendant 7 jours je n’ai fait que des rencontres sans suite. Et je me demande si c’est lié à moi ou si c’est lié à eux ? Ou encore à ce format de 7 jours qui ne permet pas d’approfondir plus que ça ? Pour ce qui me concerne, je sais pertinemment que 7 jours ne sont pas suffisants pour que je puisse donner ma confiance et recevoir celle des autres. Et puis il y a des personnes vers lesquelles j’ai envie d’aller et d’autres pas du tout. Quand je repense aux personnes à qui j’ai le plus parlé le premier jour, elles ne sont pas du tout celles à que je parlais le dernier vendredi. Un tri s’est opéré, au fil des jours, par affinités. Et la fin de la formation a mis fin à ces embryons de relations possiblement plus profondes. C’est la vie.

Les gens c’est d’abord ce jeune type au pantalon rouge qu’on voit en premier plan sur la photo. Dès le premier repas du midi dans la cuisine, je l’ai trouvé détestable. Pendant que je faisais réchauffer ma bouffe dans un micro-onde je l’entendais pérorer en répondant à la question que tout le monde se pose le premier jour :

« Tu fais quoi dans la vie ?

-Je suis influenceur.

-Influenceur ?? (Interlocuteur incrédule et sous l’emprise de ce mot ridicule)

-Oui, j’ai une chaine Youtube et surtout je vends ma voix pour des vidéos d’autres influenceurs. Et patati et patata. Que vas-y je suis le plus beau, que vas-y j’ai la plus belle voix, que vas-y je suis insupportable mais je ne le sais pas car je suis trop imbu de ma personne. »

L’écoute de cette conversation volée m’a fait décider que lui non, certainement pas. Impossible d’aller lui parler. Beaucoup trop jeune, beaucoup trop con, quand il sera devenu intéressant pour moi je ne serais plus là pour l’écouter car c’est dans tellement longtemps que je serai déjà mort. Cela me fait penser qu’il n’y avait pas beaucoup de jeunes. Les plus jeunes frisaient avec la trentaine ou un peu plus, l’influenceur devait être le plus jeune de tous. Et tant mieux car je ne sais pas comment j’aurais supporté des plus jeunes. Écouter ce grand con d’influenceur m’a fait mieux comprendre les mots assez douloureux de mon Remarquable Ami lorsqu’il m’a raconté ses premiers pas dans un BTS où il ne côtoie que des jeunes d’un peu plus de 18 ans. La misère. Quand je dis que je n’ai pas parlé à l’influenceur de toute la semaine, c’est faux. En effet le jeudi, alors qu’il annonçait juste derrière moi pour la cinquantième fois de la semaine qu’il est influenceur, je me suis retourné pour lui demander :

« C’est quoi le nom de ta chaine ?

-Motivation Mania. Une chaine sur la loi de l’attraction.

-Connais-pas. »

Et je me suis replongé dans la dégustation de mon riz Thai et dans une conversation plus intéressante avec Perrine, j’y reviendrai plus tard. Jusqu’au moment où j’ai entendu l’influenceur dire qu’il aimait bien la chaine de La Botanique du Cœur. Comme je connais cette chaine, que je l’aime bien, je me suis retourné vite fait pour glisser :

« Ah ça je connais, par contre. Et c’est vachement bien. »

Et pan, dans les dents. Je ne me suis pas trouvé très sympa sur ce coup, mais comme c’est mon inconscient qui a pris le dessus, je me suis pardonné sans trop de problème.

Heureusement quand je pense aux gens, il n’y a pas que l’influenceur dont je ne me souviens même plus du prénom, mais il y en a plein d’autres. Ce qui est très sympa, c’est la variété des profils des personnes inscrites à la formation. Il y avait de tout. Que ce soit au niveau géographique même s’il y avait une majorité de parisiens. Ou au niveau expérience professionnelle. J’ai pu discuter avec une jeune (28 ans mais d’une maturité incroyable) magnétiseuse de Puy-Guillaume dans le Puy de Dôme profond. J’ai l’impression que c’est à elle que je dois ma crève d’anthologie. Elle était accompagnée de sa maman, une infirmière bougon et taiseuse, qui n’accrochait pas du tout à la formation. Ce qui me permet d’aller sur un sujet digressif mais tant pis, je reviendrai aux gens plus tard.

Car oui, la formation n’a pas du tout fait l’unanimité au sein des stagiaires. Si j’ai tout adoré de A à Z, pas mal d’autres étaient totalement largués et ne s’attendaient pas du tout à ça. Il faut dire que certains viennent un peu là parce qu’ils ont aperçu de la lumière. Ce que j’essaie de dire c’est que certains sont là par simple curiosité et qu’ils font cette formation un peu au pif, pour voir. Et si ça ne colle pas ils n’iront pas plus loin. Marielle l’infirmière n’a pas terminé. Il faut dire que l’Arche est un peu l’école d’hypnose la plus intello, la plus haut de gamme, limite bobos branchés de France. Dans leur enseignement on ne donne pas de trucs du style : dis ça au client et il va arrêter de fumer. Ici, nous dit-on à l’Arche, on ne vous donne pas de scripts à réciter par cœur, mais on vous donne une structure. Ensuite à vous de faire appel à votre créativité pour créer votre propre style. Tu penses que ça me parle un tel discours !! Mais pour d’autres, ce n’est pas du tout ce qu’ils attendent d’une formation. Ils veulent du clé en main. Arrêt du tabac, je dis ça. Perte de poids, j’ai ce script. Stress, je récite ci. Tous ceux qui rêve d’une telle méthode se retrouvent à l’Arche complètement perdus, en panique totale et n’acceptent pas de ne pas tout savoir maitriser en 7 petits jours.

Peut-être parce que j’avais beaucoup regardé de cabinets publics de Kevin Finel, ce que je recommande à tout le monde de faire au moins une fois, j’avais très bien deviné toutes les grandes lignes de leur philosophie. Oui, car il s’agit de ça, ou pas loin. En hypnose, il y a des chapelles. La chapelle de l’Arche ne ressemble pas à la chapelle du Dr Madelrieux. Lui, il est beaucoup plus brutal et en plus il se la pète gravement. Il n’enseigne que des protocoles clés en main. Il y a la chapelle de l’IFHE avec Olivier Lockert qui a inventé l’hypnose humaniste. Je pense que ça aurait pu être aussi OK pour moi. Désolé, mais je risque d’utiliser beaucoup OK à l’avenir, car on utilise fréquemment ça en hypnose. C’est ok pour toi ? Après mes 7 premiers jours passés à l’arche, je crois pouvoir affirmer que je suis tombé dans la chapelle qui me convient. Un simple coup de bol ?

Si j’en reviens aux gens, j’ai rencontré Perrine une jeune médecin généraliste installée à côté de Dijon. Nous avons très bien parlé pendant tout un repas de midi. Même si elle est jeune, une petite trentaine, elle a déjà des problèmes avec la médecine générale. Elle trouve qu’elle donne trop de médicaments pour soulager des symptômes sans jamais traiter le fond des problèmes. Comment ne pas m’entendre avec elle ? Elle énonçait exactement ce que j’ai écrit dans mon manuscrit sur le chapitre Ayurvéda. Du coup, je lui ai parlé de cette médecine indienne qui pourrait peut-être lui donner des clés un jour prochain. En plus de l’hypnose qu’elle envisage pour les fumeurs ou pour les diabétiques qui ne peuvent pas s’empêcher de bouffer. Et j’ai rajouté pour les insomniaques, les stressés, les gens en burn-out. Perrine, c’est un coup à ne plus faire de médecine générale, bientôt. Elle a bien rigolé, mais ne m’a pas dit non. Je n’ai pas gardé son numéro de téléphone.

J’ai aussi discuté avec Anh Mai une dentiste installée en région parisienne qui se dit que l’hypnose pourrait lui être utile pour détendre certains de ses patients.

Avec Sophie, une psychomotricienne qui faisait un retour car elle estimait qu’elle n’avait pas suffisamment pratiqué depuis sa première formation. Elle m’a donné des retours sur ses difficultés à faire revenir ses clients. Quand elle m’a expliqué comment elle procède, j’ai compris qu’elle fait exactement comme une de mes anciennes collègues qui s’était lancée dans la sophrologie avant de revenir récemment à la visite médicale et que j’essayais de convaincre, sans succès, qu’il suffit de demander : et quand est-ce qu’on se revoit ? Mais elle n’avait jamais osé le dire, elle trouvait que ça forçait trop la main des clients. En écoutant Sophie, je me suis demandé si ce frein n’était pas plutôt féminin que masculin, car, pour ma part, je ne vois pas où il y a un problème avec le fait de poser une question. S’il ne veut pas le client n’a qu’à dire, non. Non ? Je n’ai pas gardé le numéro de téléphone de Sophie.

J’ai aussi joué au tennis de table avec Nicolas un infirmier très sympa. Nous avons fait deux exercices ensemble et j’ai vraiment bien aimé quand il était mon opérateur. Ce qui le fait ressortir par rapport à d’autres personnes avec lesquelles ce n’était pas du tout le cas. L’hypnose est un peu une question de feeling. Ou plutôt beaucoup. Je n’ai pas gardé son numéro de téléphone. Je crois qu’il revient en avril. Ce serait vraiment trop cool pour le Ping Pong.

J’ai un peu sympathisé avec Jean-Yves. Région parisienne, motard, anti-Hidalgo, mais intéressant, intelligent. Il est patron d’une boite de conseil en média, un truc totalement improbable dans ma cambrousse. Il intervient surtout dans des radios, des télés pour voir comment optimiser leurs process et donc leurs dépenses. Il m’a fait marrer quand le jeudi, il fallait mettre la conscience de son sujet dans une main en catalepsie et demander à la conscience de faire signe avec un mouvement de doigt quand c’était fait. Il regardait les formatrices avec des yeux ouverts grands comme des soucoupes volantes. Mais c’est quoi ce truc de parle à ma main ??? Ce n’est que le vendredi après-midi qu’il a compris que ça pouvait lui arriver à lui aussi. Rien de tel qu’une bonne expérience de transe hypnotique pour comprendre que ça arrive vraiment dans le corps à l’insu de notre plein gré. Je n’ai pas gardé son numéro de téléphone.

J’ai aussi discuté avec Kamel, le type qui tombe en transe plus vite que son ombre. Même quand tu parles à quelqu’un d’autre, il finit avec une catalepsie intense des yeux. Et si tu ne l’as pas vu, il est capable de te demander de le faire revenir car il n’y arrive pas tout seul. Comme quoi, on est loin d’être endormi en hypnose. D’ailleurs à l’Arche, ils défendent l’idée qu’il est possible d’opérer debout, ou les yeux ouverts, pourquoi pas en marchant, mais surtout pas allongé. C’est tout sauf une relaxation. Kamel est coach vocal pour des chanteurs. Ou plus exactement pour des rappeurs dont j’ai zappé les noms. Il a été choriste pendant plusieurs à la Star Académie, je crois. Et quand il s’est mis à chanter le dernier jour, au moment du départ, je peux te dire que ça m’a hérissé les poils des bras d’entendre une voix pareille. C’est si incroyable que je me demande encore d’où il sort cette puissance vocale. Sa voix ne vient pas de la bouche ou de la gorge, non, elle émane de son corps en entier. Je peux le confirmer car pendant une pause de midi, je me suis retrouvé avec Kamel et Abir, autre membre de mon sous-groupe, qui est une chanteuse professionnelle d’origine tunisienne et j’ai eu droit à une démonstration, rien que pour moi, de chansons en arabe. C’était si beau que j’en suis encore sous le charme. Que ce soit elle ou lui, ils ne chantaient pas, non, ils jouaient leur chanson avec tout le corps, comme des acteurs. Même si je ne comprenais aucune des paroles, il me semblait comprendre le texte en totalité. Sur leur visages, dans leur attitudes s’écrivait la tristesse indicible des mots. J’ai vécu cette pause du jeudi midi comme un moment extraordinaire et merveilleux. Fuck !! Merci à la vie. Dommage, mais je n’ai pas gardé leurs numéros de téléphone.

Et pour terminer, sinon mon texte sera beaucoup trop long, il y avait Antoine. Antoine est un grand gaillard, brun, les cheveux longs, attachés avec un catogan, une barbe assez longue et fournie, une voix forte et puissante. Il était dans mon sous-groupe ce qui m’a rapproché de lui. Aujourd’hui, il est propriétaire de 3 restaurants, si j’ai bien compris car je trouve ça énorme, à Guéthary dans le Pays basque. Avant Antoine était dans la pub. Il cherchait des endroits sublimes dans le monde entier pour pouvoir y tourner les publicités de plusieurs marques en même temps. Quand il trouvait un beau spot de tournage – comme au surf – il pouvait y tourner ensuite une pub pour un parfum, une pub pour une voiture et pub pour un sac à main. Plutôt des trucs de luxe. Puis il a eu envie de se poser, d’où les restaurants. Mais comme il n’aime pas du tout la restauration, c’est plutôt le truc de sa femme, il cherche une autre voie, ce qui explique sa présence dans cette formation d’hypnose à l’Arche. Je me souviens d’Antoine car il m’a fait vivre ma meilleur expérience d’opérateur. C’était le dernier jour, juste avant de partir. Pour l’exercice, il fallait se remémorer un souvenir plaisant. Il devait replonger dans son souvenir et à chaque moment où je percevais que c’était agréable pour lui, je faisais un ancrage sur son épaule en posant ma main dessus. Il m’a emmené en Islande à Reykjavik dans un festival de musique. Il était dans un concert et il avait très, très envie de pisser. Mais il y avait la foule aux toilettes. Pas le temps d’attendre. Il est donc sorti pour trouver un endroit dehors pour soulager son envie pressante. Et comme il n’aime pas pisser en public, il s’est retrouvé à marcher un bon moment. Il a continué dans le froid jusqu’à arriver près d’un lac suffisamment au calme pour lui permettre d’enfin se soulager. Il a commencé à pisser et il a ressenti un soulagement incroyable, proche d’une volupté divine. Puis il a ressenti la chaleur des vapeurs d’urine remonter vers lui. Suivies d’une odeur d’ammoniac. Tous ces détails venaient alors qu’il était déjà bien parti et que ma mission était de lui demander : Et tu sentais quoi ? Et tu ressentais quoi ? Et tu entendais quoi ? Et tu voyais quoi ? Et soudain, il avait levé les yeux pour découvrir une aurore boréale au loin, bien au-dessus lac gelé. Il n’avait jamais vu de couleurs si belles. Elles s’entrelaçaient, se mélangeaient pour former d’autres couleurs, elles flottaient dans l’air, irréelles et magiques. Cette beauté esthétique sublime et le soulagement intense d’avoir terminé son énorme envie de pisser font, pour lui, de ce moment un des meilleurs moments de sa vie entière. Je dis merci à Antoine. Car si lui est retourné vivre son meilleur souvenir en Islande, il m’a fait vivre mon premier voyage là-bas. Et dans ce voyage, non seulement je l’ai accompagné dans son concert, mais aussi suivi dans les rues noires et sombres de Reykjavik. J’ai pissé en même temps que lui, senti l’ammoniac et les vapeurs de pipi, et vu ma première aurore boréale. Un vrai bonheur. Je lui dis merci car ce moment a été, à la fois, émouvant, drôle – j’en rigole encore en y retournant pour écrire ce texte – et très enrichissant pour moi. Et je me souviens de l’immense sourire d’Antoine quand il est revenu dans cette salle de formation à l’Arche, assis sur cette chaise rouge, les deux pieds posés au sol, avec moi et que, quand il l’a souhaité, il a ouvert les yeux. Rien que pour ce sourire, je ne regrette rien de mes sept jours. Même si je n’ai pas pris son numéro de téléphone….